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David Guimard, référent sécurité externe au sein de TPE et PME
David Guimard : Depuis 2 ans, j’ai 2 structures. La première s’appelle OXEO qui est spécialisée dans le domaine de la certification : En qualité, en santé sécurité au travail ou en RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises)
La 2e s’appelle FORMACOM France, et est axée sur de la formation et l’accompagnement. Nous sommes une équipe de consultants, ce qui nous permet d’intervenir sur un large spectre.
WINLASSIE : QUEL EST VOTRE CHAMP D’INTERVENTION CHEZ VOS CLIENTS?
DG : La loi, la réglementation et les attendus sont les mêmes que l’on soit une TPE avec 3 salariés, ou une multinationale cotée en bourse. Ma vocation, est d’aider toutes ces petites entreprises à atteindre des objectifs qui sont réglementaires, de management et de progrès.
J’apporte une version externalisée.
QUELS SONT LES ENJEUX DES TPE AU NIVEAU DE LA SANTÉ SÉCURITÉ DE LEURS SALARIÉS ?
Il y a d’une part, la responsabilité de l’entrepreneur d’amener les salariés à repartir le soir certes fatigués mais en bonne santé. Il y a donc des enjeux humains.
Et d’autre part des enjeux économiques de plus en plus forts. Vous avez l’entreprise qui a trop d’accidents du travail, même si elle fait un travail de qualité, elle ne peut plus décrocher de contrats.
DE NOMBREUSES ÉTUDES MONTRENT QUE LES SALARIÉS SONT PLUS EXPOSÉS AUX DANGERS DANS LES TPE. POURQUOI ?
Dans une TPE, on est polyvalent. Et quand on est polyvalent, il y a le cœur de métier, sur lequel on peut supposer qu’on a le recul nécessaire pour pouvoir travailler. Par contre, il y a tout le reste du métier où on a pas l’expertise et pas de recul pour le faire. Ça explique pourquoi on est exposés à plus de risques et à plus de dangers.
QUELS SONT LES SECTEURS D’ACTIVITÉ LES PLUS EXPOSÉS AUX RISQUES PROFESSIONNELS?
Indéniablement, le secteur d’activité où il y a le plus d’accidents, et lorsqu’ils surviennent ils sont les plus dangereux, c’est le BTP.
C’est 10% de la population qui travaille dans le BTP mais c’est 15% des accidents. Donc indéniablement, c’est le BTP.
Dans le BTP, on a tendance à expliquer que c’est la saisonnalité, ou que cela peut venir des intérimaires. Je m’étais servi du logiciel Winlassie parce qu’on avait saisi 10 ans d’accidents du travail. Avec cela, on avait pu faire une étude statistique sur cette accidentologie.
Un premier point:
– l’intérimaire n’est pas plus accidenté qu’un salarié.
– il y a plus d’accidents du travail le mercredi chez les salariés. Une première approche : On avait des publics qui partaient en déplacement. Le lundi, mardi mercredi, on est dans la phase du début de la semaine. Et à partir du mercredi après-midi, on est dans la phase où on commence à penser au week-end qui va arriver. Il y a comme une sorte de déconcentration par rapport au travail, l’envie de vouloir terminer un peu plus vite.
Il y une réflexion qui se met en place sur l’organisation du travail, et ça c’était grâce à des données statistiques qu’on a pu avoir.
L’accidentologie a commencé à venir avec le début de la crise, et là on commence à avoir peur de perdre son job, de perdre son contrat d’intérim. On commence à cacher les accidents, on a eu des cas d’intérimaires qui ne voulaient pas passer à l’infirmerie parce qu’ils venaient d’avoir un contrat de travail, et ils avaient peur de le perdre alors on dit rien.
Des fois, ce n’est pas grave, mais quand c’est une électrisation, ça peut avoir des conséquences dramatiques.
Ça se fait dans la durée, à intervalles réguliers. Il faut travailler avec la direction, certes, avec les salariés sur le terrain, et puis évidemment sans oublier, tout le management intermédiaire qui se retrouve à devoir gérer ses obligations par rapports à ses salariés de terrain. Le tout en répondant aux objectifs de la direction.
WL : QUELLES SOLUTIONS À MOINDRE COÛTS S’OFFRENT À EUX? QUE PRÉCONISEZ-VOUS ?
Mettre en place un système de management, ce n’est pas simplement pour obtenir un certificat MASE ou ISO 9001. Cela implique qu’il y ait un changement culturel dans l’entreprise. L’accompagnement va se faire sur 1 an ou 2 ans.
Des clients me demandent de leur faire passer une certification, et cela dure 12 mois environ. Si c’est pour apporter le fond documentaire, je suis persuadé que je vais devoir revenir faire les formations sur le management. Il faut davantage travailler l’accompagnement au changement de culture, que sur la mise en place d’une certification en elle-même.
Pour la direction, c’est de la stratégie, mais pour le manager intermédiaire, c’est régulièrement perçu comme une charge de travail supplémentaire. Pour s’en sortir, une seule solution, c’est l’accompagnement au changement.
Par rapport à mes clients, je me place comme un référent sécurité.
D’ailleurs, on peut se contenter de faire du suivi de document unique, mais moi je vais plutôt m’axer sur un accompagnement récurrent. Travailler sur du suivi documentaire, préconiser des causeries sécurité, des temps de communication, etc.
On va ensuite sur le terrain discuter avec les dirigeants, avec le management intermédiaire, mais je ne suis pas dans la prescription « One Shot ». Je peux venir une journée pour faire un diagnostic, et derrière éventuellement préconiser des actions. Mais si on me demande de venir faire un conseil, je suis pas là pour proposer une prestation de 3 jours, ça n’a pas de sens. Il faut venir sur du long terme.
WL : POURQUOI LES ENTREPRISES ENTRENT DANS UNE DÉMARCHE DE CERTIFICATION ?
J’aimerais croire qu’elles veulent se faire certifier parce qu’elles ont pris conscience que mettre en place un système de management de la santé au travail, c’est l’avenir. Et c’est une façon de construire l’avenir de l’entreprise. Malheureusement il y en a quand même très peu qui sont dans cette démarche.
Très souvent, elles y vont parce que leur donneur d’ordre leur préconise de se faire certifier MASE.
Le MASE vient à la base du secteur de la pétrochimie.
C’est TOTAL qui dit » Je mets en place un système de management de la sécurité sur mon site. Je veux que l’entreprise intervenante ait un comportement qui soit adapté au regard de mes salariés. » Comment dire à mes salariés : » Vous portez des casques, etc. », si en face les entreprises intervenantes font n’importe quoi. C’est difficile à manager.
Aujourd’hui, on a dépassé le stade de TOTAL. Puisque finalement, un point du référentiel MASE dit qu’en tant qu’entreprise MASE, je m’engage à faire travailler des entreprises MASE.
De ce fait, il n’y avait pas d’autre possibilité que de dire : moi société d’échafaudage, je veux faire intervenir 3 intérimaires. Pour cela, je vais faire venir des intérimaires d’une société de travail temporaire MASE.
Cette chaîne a d’ailleurs très bien fonctionné et a été suivie puisque c’est le référentiel le plus utilisé en France à ce jour..
C’est un référentiel qui a l’avantage d’être très opérationnel
Ce n’est plus seulement dire qu’on va le faire, mais c’est le faire. Le MASE fonctionne par la preuve.
WL : QUELLES SONT LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES POUR LE SUIVI DE LA SÉCURITÉ ?
On ne peut pas se contenter de dire « Je suis allé faire une visite de chantier ». Il faut prouver que l’on a fait cette visite de chantier et que l’on a apporté une attention particulière à la sécurité. Pour cela, il y a toute une gestion documentaire à mettre en place.
Dans certaines TPE, vous avez des assistantes qui sont formidables.
Puis, dans d’autres TPE, c’est compliqué. Des entreprises oublient d’envoyer le suivi semestriel et reçoivent des remontrances de l’administrateur MASE.
Certaines ont détecté une anomalie mais ne l’ont pas tracée. D’autres ont organisé des causeries sécurité mais oublient de faire signer les fiches de présence, etc.
Un autre aspect complexe : les causeries sécurité.
Je vais en fonction de l’accidentologie et des risques de l’entreprise, prévoir des causeries ou des réunions d’information sécurité. D’ailleurs, je préfère le mot « causerie » car il y a un dialogue, c’est à dire qu’on fait passer un message mais on attend aussi qu’il y ait une remontée d’information.
Contrairement à une réunion d’information où cela peut être juste directif.
Comment faire pour animer ces causeries sécurité et pour suivre le déploiement de cette causerie sécurité?
La mise en place d’un logiciel permettrait d’avoir une gestion documentaire. Je pense notamment pour les chefs d’équipes. Avec leur smartphone, ils peuvent se connecter à la causerie sécurité qui a été émise par le référent sécurité. C’est un bel outil.
En effet, la mise en place un système de management de la sécurité sert à améliorer l’anticipation, le dialogue, le REX, et donc l’organisation. Tous les outils qui peuvent nous aider à faciliter l’organisation sont les bienvenus.
Je ne suis pas un responsable qualité, un responsable sécurité, ni un référent externe, je suis un facilitateur. L’idée est d’arriver à faciliter l’organisation et de l’harmoniser. C’est une forme de progrès dans la qualité de travail, le bien-être au travail et la relation fournisseurs.